Directeur général QU Dongyu

Nourrir le corps, honorer l’âme: les enseignements du pape François

Allocution de M. Qu Dongyu, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

22/04/2025

La disparition du pape François nous remet en tête la rare clairvoyance morale avec laquelle il contribuait aux conversations mondiales sur la faim, les systèmes agroalimentaires et la dignité humaine. Inlassablement, sa voix était là pour nous rappeler que les aliments ne sont pas de simples produits, car manger est un droit. Le droit à l’alimentation est en effet un droit humain fondamental.

Loin de se résumer à une question de logistique ou de productivité, l’alimentation est affaire de dignité humaine. Au-delà des concepts de chaînes d’approvisionnement et de rapports économiques, elle touche au caractère sacré de la vie même. Les aliments se rapportent aux gens, aux communautés que nous construisons, aux cultures que nous portons. Ils parlent de compassion, et des liens indestructibles qui nous unissent. Lorsque nous nous engageons à nourrir le monde, nous ne nous contentons pas de remplir des estomacs — nous honorons l’âme de l’humanité, particulièrement celle des populations vulnérables et marginalisées.

À l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), nous avons eu le privilège d’entretenir sur la durée un dialogue constructif avec Sa Sainteté. J’ai eu l’honneur de rencontrer le pape François à plusieurs reprises, lors desquelles il a soutenu notre noble mandat. Nous partagions une devise: une vie simple au service d’une mission complexe.

En 2022, il avait salué l’action de la FAO en faveur des populations vulnérables, dans un contexte marqué par les conflits, l’instabilité économique et une pandémie mondiale toujours en cours. Je lui suis profondément reconnaissant d’avoir constaté et constamment rappelé que la transformation des systèmes agroalimentaires devait commencer sur le terrain. Il nous faut agir ensemble pour rendre les systèmes agroalimentaires de la planète plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables.

Le pape François avait en haute estime l’humilité de celles et ceux qui peinent en silence. Il nous appelait à ne pas les oublier. À ne pas oublier les agriculteurs familiaux, notamment les petits exploitants, les femmes rurales, les enfants affamés. Il nous rappelait que ces histoires individuelles forment l’histoire du monde. Ne laissons personne de côté.

Dans le long cortège des labeurs humains, peu sont plus nobles que le travail fourni pour nourrir son semblable. Le pape François nous rappelait que la charité seule ne permet pas d’accomplir ce devoir: la justice et l’investissement sont incontournables. Il voyait dans le simple acte de manger un geste moral profond, qui unit les vivants avec ceux qui les ont précédés, avec les mains qui ont semé, et avec les espérances qui ont perduré.

Dans les instances multilatérales, nous parlons de durabilité et de transformation. François nous demandait de ne pas perdre de vue la dignité. Il nous a appris que gaspiller de la nourriture, c’est oublier l’agriculteur. Se désintéresser de la faim, c’est trahir notre humanité commune.

Nous devons transformer notre rhétorique collective en mesures concrètes pour garantir à toutes et à tous les quatre améliorations, à savoir l’amélioration de la production, de nutrition, de l’environnement et des conditions de vie.

Le pape François s’exprimait non pas en chef, mais en témoin. Ce faisant, il appelait chacun et chacune d’entre nous — dirigeants, agriculteurs, consommateurs — à faire quelque chose d’éminemment précieux: ne pas être indifférents.

Nous devons avoir à cœur d’assurer un avenir meilleur pour les générations d’aujourd’hui et de demain, un avenir empreint d’une plus grande sécurité alimentaire.

Ne gâchons pas l’opportunité que nous a donnée sa vie. Avançons, non seulement grâce à la science et à l’innovation, aux politiques porteuses et aux investissements responsables, mais aussi parés de cette clairvoyance morale qui voit dans chaque repas un lien, dans chaque graine un avenir, et dans chaque personne affamée un frère, une sœur digne de toute notre force. Nous vivons ensemble sur cette petite planète, portés par une passion ardente.

En cela, et à bien d’autres égards, c’est non pas devant lui, mais à ses côtés que nous cheminons.

 

QU Dongyu

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